Toucher le cœur du sujet (French Translation)

Toucher le cœur du sujet (French Translation)

Chapitre 3: La pratique de l’attention

Vigilant parmi les négligents,
Bien éveillé parmi les dormeurs,
Le sage (sumedho) avance comme un cheval rapide,
Laissant derrière lui un plus faible.

-Dhammapada 29


La méditation introspective, ou Vipassana, est un des enseignements centraux du Bouddha. Elle a continué à être pratiquée de manière ininterrompue pendant 2500 ans. Au cœur de la méditation Vipassana se trouve la pratique de l’attention, le développement d’une conscience claire, stable et qui ne juge pas. Bien que la pratique de l’attention puisse être très efficace pour nous aider à trouver du calme et de la clarté face aux pressions de la vie quotidienne, c’est aussi un chemin spirituel qui fait disparaître progressivement les obstacles au développement de notre sagesse, de notre compassion et de notre liberté.

Le mot Vipassana veut littéralement dire «vision claire». Cultiver notre capacité à voir clairement est le fondement qui nous permet d’apprendre à être présents pour les choses telles qu’elles sont, à mesure qu’elles apparaissent. C’est apprendre à voir sans les filtres que sont les préjugés, les jugements, les projections ou les réactions émotionnelles. Cela suppose aussi de développer la confiance et la force intérieure qui nous permettent d’être avec les choses telles quelles sont, plutôt que telles que nous les souhaiterions. La pratique de l’attention n’implique pas que nous changions qui nous sommes. Au contraire, c’est une pratique qui nous permet de voir clairement qui nous sommes, de voir ce qui se passe juste au moment où cela se déroule, sans interférence. Dans ce processus, sans même essayer de le faire, nous pouvons être transformés.

L’attention dépend d’une caractéristique importante de la conscience: la conscience par elle-même ne juge pas, ne résiste pas et ne s’accroche à rien. Si nous nous appliquons à être simplement conscients, nous apprenons à nous désentraver de nos réactions habituelles et nous commençons à avoir une relation plus amicale et compatissante avec notre expérience, avec nous-mêmes et avec les autres.

Cependant, la conscience de notre expérience est souvent confondue avec l’autocritique, qui est le jugement de ce dont nous faisons l’expérience en fonction de nos opinions et de l’image que nous avons de nous-mêmes.

Par exemple, si nous nous mettons en colère pendant une séance de méditation, une autocritique pourrait être: «Zut! Je suis de nouveau en colère! Je m’en veux d’être toujours aussi en colère.» Avec la pratique de l’attention nous cultivons une conscience qui reconnaît la présence de la colère sans la juger – nous sommes conscients «qu’il y a de la colère.»`

Si nous voyons une fleur magnifique, la conscience nous permet de simplement apprécier la fleur. Une réponse jugeante et tournée vers nous-mêmes pourrait être: «Ceci est une fleur magnifique et je la veux pour moi, ainsi les gens sauront que j’ai bon goût et ils m’admireront.»

Une des pierres d’angle de la pratique et de l’enseignement bouddhiste est une grande appréciation du présent. Cela implique de reconnaître que nos plus belles expériences n’arrivent que si nous sommes dans le moment présent. Pour que l’amitié, la joie, la générosité, la compassion et l’appréciation de la beauté puissent voir le jour, nous devons nous accorder le temps et la présence d’être conscients.

Apprécier le moment présent implique d’apprendre que nous pouvons lui faire confiance si nous sommes présents pour lui. Si nous pouvons prêter attention sans réserve et ne pas réagir précipitamment à ce qui se passe dans le présent, nous apprendrons alors à répondre de manière appropriée face à toute situation.

Être appréciatif et faire confiance n’est pas toujours facile. Une partie de la pratique bouddhiste est de découvrir ce qui nous empêche d’apprécier le moment présent et de lui faire confiance. Quelle est notre véritable frustration, notre résistance, notre souffrance, notre méfiance? Quand ces sentiments sont en jeu, le travail de l’attention est de les reconnaître clairement et de continuer à en avoir conscience, sans jugement.

Les enseignements bouddhistes suggèrent que lorsque nous trouvons la chose qui nous empêche d’apprécier le présent, la chose qui nous empêche de faire confiance, la chose même qui nous fait souffrir, c’est une porte vers la liberté et l’éveil. Nous apprenons à vivre de manière ouverte et confiante, plutôt qu’avec une image de nous-mêmes et toute l’autocritique, l’aversion et l’orgueil que cela comprend. Dans la pratique de l’attention, rien de notre humanité n’est renié. Nous découvrons progressivement une manière d’être présent pour tout – pour tous les aspects de notre humanité – de façon que tout devienne une porte vers la liberté, la compassion et nous-mêmes.