Anatta Et Les Quatre Nobles Vérités.

Anatta Et Les Quatre Nobles Vérités.

(Adapté d’une conversation de Gil Fronsdal le 1er octobre 2002)


Les gens sont souvent perplexes par rapport à l’enseignement du Bouddha, sur le sujet du non-soi, ou anatta. Une des raisons est que le mot ‘soi’ est utilisé de plusieurs façons dans les différentes religions et dans les écoles de psychothérapie et de philosophie, de même que dans le langage courant. Quand les gens parlent du ‘soi’ sans le definir, ils parlent de choses différentes sans s’en rendre compte.

Pour comprendre l’enseignement du Bouddha sur le non-soi, nous devons comprendre comment le Bouddha définit le soi, ou, atta, dans sa langue. Nous devons d’abord faire la distinction entre 2 utilisations du mot atta. Dans certains cercles religieux du temps du Bouddha, atta faisait référence à une forme de soi métaphysique. Une définition métaphysique du soi est  n’importe quelle théorie de la véritable nature du soi ;par exemple, une essence constante et permanente qui survit à la mort, ou un véritable soi plus large et plus essentiel que l’individu ou la personnalité. Dans ce sens, atta pourrait être traduit en français par ‘le Soi’ ou ’l’Ame’. En dehors de l’utilisation métaphysique, atta était plus communément utilisé comme pronom réfléchi, comme le mot français ‘soi’ dans le sens de ‘soi-même’ et ‘moi-même’. Dans ce dernier sens il était utilisé comme une simple convention du discours, plutôt qu’une référence à une idée métaphysique ou essentielle du ‘Soi’.

Pour comprendre les enseignements du Bouddha, nous devons garder en tête ces différentes interprétations d’atta. D’un côté, il n’a clairement pas accepté de définition métaphysique du ‘Soi’. D’un autre, il a insisté sur la souffrance qui peut venir de l’attachement à tout ce qui appartient a, ou définit ‘moi-même’. Le chemin de la pratique du Bouddha mène à la cessation de cet attachement.

Le ‘Soi’ le plus métaphysique général contre lequel le Bouddha argumentait est implicitement définit dans son Atta Lakkhana Sutta, Le Discours d’Anatta. Selon ce point de vue, pour que quelque chose soit atta, il faut trois composants. Il doit avoir un contrôle total du corps, des sentiments, des pensées, des impulsions, des intentions, de la conscience ou des perceptions. Il doit être permanent. Et il doit être béat. Dans ce discours, le Bouddha précise que dans notre expérience psycho-physique, rien ne possède ces trois qualités et donc rien ne peut être vu comme atta ou soi.

Ici, en occident, cette ancienne définition indienne du Soi n’a pas beaucoup de, voire aucun sens. Néanmoins, nous avons nos propres notions de ce qu’est le soi ou de ce qu’il devrait être. Ce sont en partie des héritages des idées occidentales de l’’Ame’, et en partie elles proviennent de la forte propension de l’être humain à s’identifier avec certaines choses qui se définissent comme étant le soi. Nous nous identifions à nos pensées, à nos sentiments, à notre conscience, notre volonté, nos caractéristiques personnelles ou à un sens de la continuité. Ces identifications peuvent être utiles lorsqu’elles sont légères et provisoires. Tenues fermement, elles sont limitatives. Si nous dépensons notre énergie à nous attacher à tout ce qui se définit par le soi, nous souffrirons tôt ou tard. Afin de trouver une paix constante et profonde, nous devons lâcher tout attachement ou toute fixation au soi.

Au contraire de la conception populaire, nous n’avons aucun enregistrement du Bouddha disant : « Il n’y a pas de soi ». Dans tous les volumes préservés des discours du Bouddha, un seul endroit mentionne quelqu’un demandant au Bouddha : « N’y a-t-il pas de soi ? ». Le Bouddha refusa de répondre à la question. La même personne demanda alors : « Y a-t-il un soi ? ». Le Bouddha refusa aussi d’y répondre. Ce que le Bouddha répéta c’est qu’aucun aspect particulier de notre être psycho-physique ne qualifie atta ou le Soi. Ni notre corps, ni nos sentiments, ni nos pensées, ni nos dispositions ni notre conscience.

Les enseignements du Bouddha sur le soi et le non-soi sont plus subtils et fascinants. A côté de la définition spécifique du soi qu’il réfuta dans l’Anatta Lakkhana Sutta, il argumente qu’il n’est pas utile d’encadrer la pratique Bouddhiste à travers une conception du soi. Les vues sur l’existence ou la non-existence d’un soi, ou l’identification du soi à toute caractéristique ou expérience, même l’attention, mène à un enchevêtrement de spéculations. Et plus important encore, il affirme qu’elles ne mènent pas à la libération.

Au lieu d’encadrer la vie spirituelle autour du soi, le Bouddha nous suggère plutôt de regarder notre expérience à travers le cadre des Quatre Nobles Vérités, nous concentrant honnêtement et directement sur notre souffrance, la préhension qui la cause, la paix ou le bonheur qui résulte du détachement, et la manière de vivre qui soutient le sens du bien-être.

Les enseignements du Bouddha nous éloignent de la recherche du soi ou de la tentative de comprendre ou d’améliorer le soi. A la place, ils nous suggèrent de prêter attention à la peur, au désir, à l’ambition et à l’attachement qui motive la construction de l’identité du soi.

D’une certaine manière, nous avons le sentiment que nous sommes défectueux, et que notre pratique de la méditation va nous aider à construire ou à trouver un meilleur soi. Au lieu de cela, pouvons-nous trouver la souffrance particulière associée à l’envie d’améliorer le soi ? La libération entraîne la sortie de notre souffrance, pas l’évitement, en cherchant le soulagement et la compensation. Cela ne veut pas nécessairement dire que nous demeurons dans notre souffrance ou que la souffrance ne cesse jamais. En fait, la troisième Noble vérité nous rappelle qu’il y a une cessation à la souffrance.

Si vous partiez en Afrique pour y photographier la vie sauvage, vous pourriez parcourir toutes les plaines à la recherche des différents animaux. Ou vous pourriez vous assoir près d’une source d’eau où tous les animaux viennent finalement. De la même manière, la pratique devient très simple si nous prêtons attention, soigneusement et sans réagir, à notre souffrance, c’est-à-dire aux contractions, aux restrictions et aux stress dans notre corps, notre esprit et notre cœur. Pour vous libérer, ce que vous devez et ne devez pas savoir viendra à vous si vous prêtez simplement attention à la souffrance et à la cessation de la souffrance. Vous verrez l’attachement et vous verrez la possibilité d’un véritable bonheur qui vient du lâcher-prise. Puissiez-vous connaître la paix du non-attachement au soi et au non-soi.